Interview de Magico : Magicien et observateur
À l’âge de 15 ans, Jean-François rencontre un prestidigitateur et découvre sa passion pour la magie. Fasciné, il décide de devenir magicien. Il monte une première fois sur scène en 1994, au casino de Montreux et cumule ensuite de multiples expériences jusqu’à la création de son premier spectacle en 1999. Cette création unique fusionne son histoire personnelle, l’épopée de Star Wars et l’art envoûtant de la magie.
Avec trois décennies consacrées aux feux de la rampe attestant de sa contribution à la richesse culturelle régionale, Magico célèbre cet anniversaire avec un spectacle poignant, tissé d’émotions et de souvenirs.
A. Gauthier-Jaques : Le rôle fondamental de la culture dans notre société semble être de créer un sentiment de rêve et d’émerveillement, engendrant ainsi une agréable surprise. En tant qu’artiste, magicien, votre mission consiste sans aucun doute à susciter cet effet positif.
Magico: En effet, que l’on soit chanteur, danseur, peintre, l’objectif est de marquer les esprits. Un spectacle représente une échappatoire pour le spectateur, ne serait-ce que pour une heure, et apporte du réconfort, surtout lorsqu’on traverse des moments difficiles.
Pour garantir qu’un public quitte la salle avec le sourire, pensez-vous que cela dépend de l’état d’esprit dans lequel il se présente ?
Cela dépend plutôt, il me semble, de la manière dont le spectacle se déroule. Un public peut difficilement ressortir avec une expérience positive lorsqu’il a été face à un magicien qui échoue ses tours. L’atmosphère, les regards et les applaudissements sont révélateurs de la qualité du spectacle, une perception qui s’acquiert avec l’expérience.
Quels éléments font d’une illusion un succès ?
La satisfaction du public prime ; c’est sa perception qui importe. Il est cependant plus difficile qu’une illusion soit réussie pour un magicien, ou un public averti. C’est bien pour cela qu’il existe deux catégories de magiciens : ceux qui se produisent pour le grand public, et ceux qui visent un public professionnel. En faisant partie de la première catégorie, je peux me permettre un certain décalage et même un tour moins que parfait peut ravir le public.
La surprise provoquée par votre métier est-elle toujours positive ?
Je constate au quotidien que la tendance générale est de parler du moins plutôt que du mieux. C’est pourquoi je considère que c’est un privilège d’exercer ce métier et d’occuper un rôle où la surprise crée l’émerveillement, le rêve.
Anticiper. En magie, on fonctionne également comme cela. Je me mets constamment à la place du spectateur. Où va-t-il regarder ? Lorsque je ferai ce mouvement de main, va-t-il me suivre ? Cela s’appelle le « chemin magique ». On essaie de se mettre vraiment dans la peau du spectateur pour que tout soit parfait. C’est là que effe prend tout son sens.
Très intéressant. C’est donc l’anticipation de la réaction de l’autre qui compte. Ce qui est capital, c’est donc assurer la transition grâce à l’anticipation.
L’anticipation est une règle d’or dans beaucoup de situations de la vie.
Concernant le chemin magique, j’ai bien compris qu’il implique la technicité du tour mais également d’autres éléments. Pourriez-vous nous partager ces éléments? Sans relever vos secrets évidemment.
Il y a des astuces en magie, telle que la manipulation, le détournement d’attention et surtout, quelque chose qui a évolué au cours des 30 dernières années, c’est la présentation ! Je peux présenter le même tour avec des histoires différentes, et l’effet sera totalement autre. La manière dont je raconte l’histoire influe énormément sur la perception du public. Et c’est cela que j’apprécie le plus en magie, c’est de trouver un prologue, de raconter l’histoire avec son effet et qu’il y ait un épilogue. Un peu comme un bon livre, ou un bon menu. Il est important que l’entrée, le plat et le dessert forment un bel ensemble.
Je commence par définir le contenu que je veux présenter. Ensuite, je m’appuie sur mes expériences personnelles. Etant un grand voyageur, la plupart de mes tours ont un lien avec le voyage. En réfléchissant à cela, on peut mettre en place des expériences mémorables. La personne qui vient voir un tour de magie le fait car elle veut être surprise, bluffée, divertie ou encore penser à autre chose. La confiance est également importante. Vos clients ont confiance en vous, tout comme les spectateurs doivent croire en mes tours.
Un effet où un spectacle évolue forcément. Je vous conseille de tester : allez voir un spectacle à la première et à la dernière représentation. Vous verrez que ce sont deux expériences totalement différentes. L’évolution est nécessaire, tout comme l’expérience et l’apprentissage.
Quand vous anticipez, quand vous vous mettez dans la peau du public, sur quoi vous basez-vous pour comprendre ses attentes ?
J’assiste à de nombreux spectacles, parfois bluffants. Je cherche à comprendre comment captiver la sensibilité du public et m’en inspire. En réalité c’est en observant mes pairs plutôt que le public, que je peux satisfaire et captiver la sensibilité de ce dernier.
Tout le monde n’a pas 30 ans d’expérience dans le même domaine ! Est-ce une conclusion ou une synthèse ?
J’ai fait des spectacles pour mes 10, 20, 30 ans d’activité. Mais il s’agit en réalité d’une excuse pour continuer à me challenger ! C’est une continuité de ma vie et une source de motivation
La sphère bancaire, souvent perçue comme austère, sérieuse, peut susciter de l’appréhension. Dans votre domaine, ressentez-vous une certaine crainte ou appréhension de la part du public ?
Je ne pense pas que mon métier inquiète, mais plutôt fascine. Les gens ont un besoin inné de comprendre, que cela soit dans la finance ou dans la magie, le mystère alimente l’intérêt. Les questions du « pourquoi » et du « comment » sont universelles. Et lorsque quelque chose qui semble impossible se produit quand même, cela devient
une sorte de fascination.
Merci Magico d’avoir partagé un peu de vous avec nous !
Interview réalisée en novembre 2023 par A. Gauthier-Jaques
